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Retour sur… France – Espagne 1984 : seule la première victoire est belle - Le Monde

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Publié aujourd’hui à 06h00

Les matchs de légende ne sont pas toujours les plus beaux. Pour le spectateur neutre, ce France-Espagne tient d’ailleurs plutôt du pensum. Le genre de rencontre qu’on se force à regarder jusqu’au bout parce qu’il s’agit d’une finale, quand même. Mais à une marche d’un trophée, seule la victoire est belle pour les principaux concernés. On devient moins regardant sur la manière et on retient surtout l’émotion, celle d’une première fois pour un pays ignorant encore le goût de la victoire en football.

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Deux ans après le Mondial de Séville, les Bleus laissent le romantisme et le beau jeu au vestiaire ce 27 juin 1984. Aucun cynisme, les joueurs de Michel Hidalgo sont juste rattrapés par la peur de conclure. En tennis, on dirait qu’ils jouent « petit bras ». Avant de rendre son tablier, le sélectionneur donne sa dernière causerie dans les vestiaires du Parc des Princes. Des mots simples, de l’affect comme souvent et un dessin avec une montagne. « Vous êtes arrivés en haut, maintenant il faut planter le drapeau », dit-il avant de s’éclipser.

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Encore faut-il avoir encore un peu d’oxygène et ne pas dégringoler dans le vide. « La finale, on l’a jouée la peur au ventre, confiait Luis Fernandez dans son autobiographie, Luis contre-attaque, parue en 2008 (éditions Hugo et Compagnie). On n’était pas libérés. Je me souviens qu’au début, nos jambes tremblaient. » Les Espagnols l’ont ciblé, lui, l’enfant de Tarifa, en Andalousie, et le traitent de « renegado » (« traître ») pour le pousser à dégoupiller. En vain. « Ma première victoire de la soirée », se félicite celui qui a remplacé Bruno Genghini dans le « carré magique ».

Intimidations et « marquage à la culotte »

Dans les années 1980, la Roja n’a pas encore entrepris sa révolution culturelle. Le football léché, les redoublements de passes et la possession de balle ne sont pas encore devenus ses canons de beauté et de réussite. Les Espagnols ne jurent alors que par la furia, soit un football plus viril et direct. Une furia capable de renverser des montagnes, comme placer un historique 12-1 à Malte pour combler une différence de buts très défavorable par rapport aux Pays-Bas et valider la qualification pour la phase finale d’un Euro.

Au premier tour, un but à la dernière minute de Maceda contre la RFA et trois tirs adverses sur les poteaux prolongent le miracle espagnol. Cette équipe doit aussi avoir un destin. Et puis, elle sait comment contrecarrer le jeu léché des Bleus. Face aux intimidations, au marquage individuel « à la culotte » et aux fautes tactiques espagnoles, les Français balbutient leur football mais ont au moins appris à ne plus tendre l’autre joue.

Dans ce qu’Alain Giresse qualifie de « vrai match de savetiers », l’équipe de France frôle la correctionnelle en première période quand Patrick Battiston détourne devant sa ligne une tête de Santillana. Arrive le moment de bascule. A la 57e minute, Bernard Lacombe trébuche à l’entrée de la surface espagnole comme un attaquant roué sait le faire. « Je ne l’ai jamais touché », jure depuis Salva, son garde du corps du jour. Les images donnent plutôt raison au défenseur.

« Arconada était un grand gardien »

A petite faute, grande conséquence. Surtout quand Michel Platini patiente derrière le ballon. Avec lui, un coup franc à 20 mètres se rapproche déjà d’un penalty. Il en a déjà claqué contre la Yougoslavie pour l’un de ses huit buts du tournoi. Mais Luis Arconada a vu le film et devine qu’il va chercher à contourner son mur. Le gardien de la Real Sociedad couvre son côté gauche et capte le ballon. « C’est raté », enrage « Platoche » qui, déjà retourné, rate ce qui va devenir la faute de main la plus célèbre du football.

Pour une raison encore inconnue, le ballon glisse en effet entre le bras et le ventre d’un Arconada qui a juste le temps de se relever et voir le cuir franchir la ligne pour quelques centimètres. Parce qu’il connaît la valeur du gardien basque et sait que l’Espagne lui doit sa présence en finale, Platini n’a jamais réussi à savourer ce but. « Arconada était un grand gardien. C’est dommage pour lui, j’aurais voulu marquer un but où il ne pouvait rien faire », regrette celui qui, devenu président de l’UEFA, remettra le trophée de vainqueur à l’Espagne en 2008 et à son gardien remplaçant Andrés Palop… vêtu du maillot d’Arconada.

Ce but tombé du ciel ne libère pas pour autant les Français. La main sur la cuisse, Battiston laisse sa place à Manuel Amoros avant d’avouer à un Hidalgo médusé qu’il a simulé sa blessure pour donner « un bout de finale » à son ami, simple remplaçant depuis son expulsion lors du match inaugural contre le Danemark. A la 85e minute, Yvon Le Roux voit rouge pour avoir découpé Manuel Sarabia. Oui, désormais à dix, la France a peur et recule.

Les Espagnols accablent l’arbitre

Mais cette équipe a été trop belle et veut terminer sur une note qui lui ressemble davantage. Dans les arrêts de jeu, Jean Tigana gratte un énième ballon puis lance en profondeur Bruno Bellone. La suite, l’attaquant l’a racontée au Monde en 2016. « Face à moi, Arconada joue bien le coup. Il ne plonge pas, cet enfoiré, il attend. Si je frappe fort, je vais lui taper dedans. Alors je la pique au dernier moment, c’était le seul moyen de marquer. »

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Cette merveille n’adoucit pas l’amertume des vaincus. D’ailleurs, les Espagnols trouvent le coupable tout désigné et il ne s’agit pas du malheureux Arconada. Accusé d’un arbitrage à domicile, le Tchécoslovaque Vojtech Christov découvre quelques nouvelles insultes dans la langue de Cervantes. Les Bleus, eux, ne le remarquent même pas. Ce moment leur appartient enfin et ils souhaitent d’abord le partager avec leur sélectionneur porté en triomphe sur la pelouse du Parc des Princes.

En poste depuis 1976, Michel Hidalgo a hésité à rempiler pour deux ans. Après tout, cette équipe a tout pour devenir championne du monde. Mais l’homme défend des principes et a promis à Henri Michel sa succession. Alors, la nostalgie l’envahit déjà au moment de mettre des mots devant les journalistes sur ce premier titre. « Demain matin, ça sera peut-être difficile… Mais c’est une sorte de roman, et il y a cette histoire d’amour qui se termine avec une belle fin. »

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July 05, 2020 at 11:00AM
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